Provoquer des émotions chez le lecteur │ 4 astuces puissantes
Il existe une multitude d’états émotionnels. Six sentiments de base (joie, surprise, peur, tristesse, colère, dégoût) et beaucoup de dérivés. Notre travail d’écrivain consiste à réveiller ces émotions, afin de créer un attachement pour nos personnages et notre livre. Mais comment faire ? Découvrez 4 astuces puissantes et complémentaires permettant de provoquer des émotions chez le lecteur.
1. Utilisez le contexte
Pour susciter des émotions chez le lecteur, commencez par travailler le contexte. Donnez-lui des informations pertinentes, susceptibles de créer des images touchantes dans son esprit.
Prenons un exemple : un ballon rouge flotte dans un ciel hivernal. A priori, cette scène est plutôt neutre. Maintenant, contextualisons-la.
Situation 1 – Le ballon rouge est tenu par un enfant hilare perché sur les épaules de son père. Ils admirent les vitrines de Noël des Galeries Lafayette, alors qu’il neige à gros flocons.
Situation 2 – Le ballon rouge est emprisonné dans les branches nues d’un arbre recouvert de givre. En dessous, le corps sans vie de son petit propriétaire disparaît sous la neige.
Ces situations possèdent des éléments communs : le ballon, l’enfant, l’hiver et la neige. Mais la ressemblance s’arrête là.
Dans le premier cas, on fait émerger des émotions positives (joie, nostalgie, etc.) grâce au contexte festif. Dans le second, on verse dans le tragique en opposant l’innocence juvénile au froid de l’hiver et de la mort.
2. Mobilisez les cinq sens pour provoquer des émotions
Mobiliser les cinq sens permet de faire passer beaucoup d’émotions au lecteur. Nous en avons déjà parlé dans l’article sur les descriptions. Donc, abusez-en !
Prenons un exemple (volontairement exagéré) : deux amies entrent dans une brasserie pour boire un café. Elles découvrent les lieux, puis s’installent à une table. Imaginons la scène.
Situation 1 – La lumière coule à flots par la large baie vitrée. Une délicate odeur de pâtisseries et de café chaud embaume l’air. La radio diffuse des mélodies surannées à faible volume. En s’asseyant, les amies apprécient le moelleux des fauteuils et l’intimité conférée par le peu d’affluence. Quand les boissons arrivent, elles les dégustent à petites gorgées, savourant l’amertume d’un authentique café italien.
Situation 2 – La crasse obstrue partiellement les fenêtres, bloquant la lumière et donnant un air sinistre au café désert. L’odeur de moisissure se mêle aux relents de bière éventée. Des chansons démodées saturées d’interférences sortent d’une vieille radio déréglée. Les amies s’asseyent et grimacent en touchant la table pégueuse. Finalement, le serveur leur apporte un café tiède et beaucoup trop amer.
Inutile de continuer, vous avez certainement compris l’idée. Le choix du vocabulaire et le recours aux cinq sens vous immergent dans les lieux et font naître des émotions spécifiques : le bien-être dans la première situation, le dégoût dans la seconde.
3. Servez-vous de vos personnages pour susciter l’émotion
En préparant votre roman, vous avez pris le temps de construire vos personnages. Ils ont leurs caractéristiques propres : un tempérament, des peurs, des sujets de prédilection, etc.
Utilisez ces éléments pour donner une coloration singulière au récit. Pour cela, le plus simple consiste à adopter leur point de vue. Ainsi, une scène ne dégagera pas le même sentiment en fonction du protagoniste qui la vit.
Exemple : deux frères se retrouvent dans un parc de jeux. Le premier, Roger, est un misanthrope hyper sensible au bruit. Il travaille à domicile et fréquente peu de monde. Le second, David, surveille son fils Tom. Il aime prendre l’air et passer du temps avec son enfant.
À votre avis, comment chaque personnage va-t-il vivre cette scène ?
- Roger relèvera uniquement les nuisances : la foule étouffante, le piaillement des bambins mêlé à celui des oiseaux, le vacarme du vendeur de glace, etc.
- David, lui, s’attardera sur de belles choses : le plaisir de voir son frère, les rires enfantins, le chant des volatiles, la joie des petits mangeurs de glace, etc.
En adoptant le point de vue de chaque personnage, et en travaillant le vocabulaire en conséquence, on donne une coloration différente à la même scène. Les termes utilisés pour Roger (étouffante, piaillements, vacarme) suggèrent son malaise. En revanche, le lexique choisi pour David (plaisir, rires, chant, joie) exprime le bonheur.
4. Travaillez le rythme du texte
Travaillez le rythme du texte pour provoquer des émotions chez le lecteur. Vous pouvez jouer sur plusieurs paramètres :
- les figures de style ;
- la longueur et la forme des phrases ;
- la ponctuation ;
- la structure des paragraphes.
Voici quelques exemples de constructions originales issues de romans.
Dans Le temps est assassin, un personnage s’élance en voiture dans une course folle contre la mort. Pour restituer l’urgence et la tension du moment, Michel Bussi joue sur les phrases, la ponctuation, et déstructure complètement son paragraphe.
Pourquoi, nom de Dieu, n’avait-elle pas osé enregistrer son numéro, même sous un faux nom ? Pourquoi s’était-elle contentée de le mémoriser !
06
Un virage, elle vira.
25
Passer en seconde, réaccélérer.
96
Personne en face, personne en dessous, trois lacets plus bas, se déporter sur la gauche, bouffer la ligne blanche, gagner quelques secondes.
59
Accélérer encore.
13
Laisser sonner.
Réponds, bordel, réponds !
Dans Par les routes, Sylvain Prudhomme décrit le panorama défilant sous les yeux de l’autostoppeur, un personnage qui emprunte beaucoup les autoroutes françaises. Pour restituer l’uniformité des paysages, il construit tout un paragraphe autour de l’anaphore « les mêmes ».
Je continuais seul, remontais le long de l’autoroute, imaginais l’autostoppeur quelque part sur ce ruban, au cœur de cette coulée, regardant […] défiler les mêmes vignes aux ceps déplumés par l’automne, les mêmes champs d’artichauts gris pâle, les mêmes allées de luzerne, les mêmes guérets, les mêmes étendues bâchées de longues bandes de plastique noir ou blanc, les mêmes vaches, les mêmes bocages, les mêmes rideaux de peupliers coupe-vent, les mêmes clochers de villages au loin, les mêmes panneaux criards de zones commerciales traversées sous un ciel bas, les mêmes panneaux d’entrée et de sortie de ville […].
En résumé
Maintenant, vous connaissez 4 astuces puissantes permettant de provoquer des émotions chez le lecteur :
- utilisez le contexte ;
- mobilisez les cinq sens ;
- servez-vous de vos personnages ;
- travaillez le rythme du texte.
Pour peaufiner votre technique, apprenez aussi à rédiger une description et à écrire un dialogue. Et le lecteur restera scotché à votre roman !
Vous avez d’autres idées non exprimées dans cet article ? N’hésitez pas à laisser un commentaire pour les partager avec nous.