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Mary-Sue : un personnage de roman à éviter

Elle est belle, intelligente, cultivée, admirée de tous, modeste et toujours bien coiffée. Mais qui est cette personne parfaite en tout point ? Vous me direz certainement Mary Poppins, et vous auriez raison – à peu de choses près. Mais elle n’est pas la seule. Quelqu’un d’autre répond à cette description : la Mary-Sue. Qui est-elle précisément ? Pourquoi est-ce un personnage de roman à éviter ? Creusons la question ensemble.

Qu’est-ce qu’une Mary-Sue ?

Une Mary-Sue est un personnage parfait, stéréotypé, archétypal, parfois jusqu’à l’absurde. Il s’agit souvent d’une projection idéalisée (et inconsciente) de l’auteur dans un univers fictif, ou un portrait du conjoint rêvé.

Même s’il est féminin, le nom « Mary-Sue » peut également faire référence à un protagoniste masculin. Cette variante est aussi appelée Gary Stu (ou Marty Sue). Dans cet article, j’utiliserai néanmoins le terme générique « Mary-Sue » pour désigner indifféremment des personnages féminins ou masculins.

Comment reconnaître une Mary-Sue dans un roman ?

De nombreuses qualités

Par définition, la Mary-Sue est un personnage admirable. On la reconnaît donc à ses (très) nombreuses qualités :

  • une grande beauté, parfois rehaussée d’attributs physiques aussi exceptionnels que désirables – des yeux d’une couleur rare (améthyste, dorés), des cheveux aux reflets incroyables, etc. ;
  • une intelligence, des facultés cognitives, des connaissances ou des compétences supérieures ;
  • des pouvoirs qui supplantent ceux des autres personnages ;
  • une intégrité morale ou une pureté inhabituelle dans l’univers du livre.

En complément, la Mary-Sue possède une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :

  • elle suscite l’admiration de tous ;
  • elle est désirée par de nombreux individus du sexe opposé, sans fournir le moindre effort en ce sens, et s’en étonne (voire y trouve un inconvénient)… quand elle s’en aperçoit ;
  • elle a toujours raison ;
  • elle surmonte aisément les obstacles ou vainc facilement ses adversaires ;
  • elle influence positivement son univers, même si ses actions ne semblaient pas positives a priori ;
  • elle connaît un destin au minimum complaisant, voire supérieur ou carrément grandiose.

À peine contrebalancées

Pour favoriser l’attachement des lecteurs, les auteurs croient parfois bon de compenser cette perfection. Ils peuvent alors lui attribuer des défauts gentillets ou présentés positivement. Vous trouverez donc des Mary-Sue maladroites, tête en l’air, timides, rebelles ou boudeuses, mais aucune ne sera égoïste, vindicative, sale, insolente ou carrément immorale.

Dans d’autres cas, la Mary-Sue hérite d’un passé tragique, souvent lié à des événements familiaux traumatisants : disparition brutale d’un ou des deux parents, négligence, maltraitance, etc. Dans le cas d’une Mary-Sue, ce passé torturé est destiné à attendrir le lecteur. Ainsi, il laisse généralement peu de traces dans le comportement du personnage.

Exemples de Mary-Sue

À l’origine, le terme « Mary-Sue » était utilisé pour décrire les personnages de fan fiction incarnant les désirs de leur auteur. Par extension, il désigne aujourd’hui des protagonistes issus d’œuvres originales. La saga Twilight nous en offre deux parfaits exemples.

Bella Swan

Au début, Bella semble être une jeune fille simple, discrète, mûre pour son âge, maladroite et ayant la phobie du sang. Nouvelle venue dans le lycée de Forks, elle vit seule avec son père et peine à s’adapter à son nouvel environnement. A priori, pas de quoi casser trois pattes à un canard…

Malgré cette apparente banalité, Bella attire les personnages masculins, en particulier le séduisant Edward Cullen, vampire de son état, dont elle tombe éperdument amoureuse. Elle se trouve brièvement prise dans un triangle amoureux avec ledit Edward et son meilleur ami Jacob, avant d’épouser le premier et de se transformer en vampire. Cet événement la rend belle, forte, gracieuse, et lui confère des pouvoirs rares. Tiens donc…

Bella est en réalité une projection idéalisée de l’autrice Stephenie Meyer, qui lui a donné :

  • ses propres caractéristiques physiques – longs cheveux bruns, menton en pointe, pommettes saillantes, nez aquilin, etc. ;
  • un parcours similaire – toutes deux se sont mariées jeunes ;
  • le prénom qu’elle réservait à sa fille (Meyer n’a que des fils).

La romancière a ensuite transformé son personnage en une sorte de super héroïne vampirique, ultra douée et supérieure à ceux de son espèce… bref, une parfaite Mary-Sue.

Edward Cullen

À l’inverse, Edward Cullen apparait d’emblée comme l’archétype du Gary Stu :

  • Il est extrêmement beau, ses yeux dorés, et sa peau brille au soleil.
  • En plus des habituels atouts vampiriques (force, endurance, vitesse et agilité), il possède un pouvoir rare : lire dans l’esprit des personnes qui l’entourent.
  • Pianiste virtuose, compositeur, Edward est également intelligent et érudit. Il est d’ailleurs titulaire de deux diplômes en médecine.
  • Il a toujours raison, même lorsqu’il adopte un comportement intrusif comme entrer par effraction chez sa belle pour la regarder dormir (le stalking semble romantique).
  • Pour finir, Edward est doté d’une moralité rare pour un vampire. Il refuse notamment de considérer les humains comme de la nourriture, et boit exclusivement du sang animal.

Voilà un homme (pardon ! un vampire) bourré de qualités ! Par contre, ne cherchez pas ses défauts, ils sont aux abonnés absents. Et pour cause : le personnage est une projection du conjoint idéal selon Stephenie Meyer. L’autrice a d’ailleurs affirmé en interview qu’elle n’hésiterait pas à quitter mari et enfants pour les beaux yeux d’un Edward.

Pourquoi éviter les Mary-Sue dans votre livre ?

Comme le prouve l’accueil mitigé reçu par Bella et Edward, les Mary-Sue déplaisent. Et ce pour deux raisons.

1. Un manque de crédibilité

Aucun être humain n’est parfait. Ce sont même nos imperfections qui nous rendent attachants. Ainsi, un personnage sans défauts manque de crédibilité, ce qui empêche le lecteur de l’apprécier. Pire, une Mary-Sue a tendance à irriter, voire à rebuter. Et ce n’est pas l’effet recherché.

Dans les univers enfantins ou fantastiques, cette perfection peut néanmoins fonctionner. L’exemple de Twilight le montre : les adolescentes se sont identifiées à Bella (pourtant décriée par beaucoup). Elles ont débattu de sa vie amoureuse avec passion (team Edward vs team Jacob). Et la saga a fait un carton, sur papier comme au cinéma.

2. Une évolution impossible

Outre le manque de crédibilité, la Mary-Sue rencontre un problème plus grave : elle ne peut pas progresser, vu qu’elle est parfaite et que sa vie l’est tout autant. Or, les personnages doivent évoluer dans un récit. C’est ce qui les rend intéressants, attachants, émouvants, vraisemblables.

Gardez cette idée à l’esprit quand vous créez vos personnages de roman. Pensez à leur donner des qualités et des défauts, des forces et des faiblesses. Et demandez-vous comment les péripéties vont les faire progresser. Pour synthétiser ces éléments, vous pouvez par exemple élaborer des fiches personnages. Personnellement, j’en prépare une pour chaque personnage principal (mes héros sont récurrents). Et une pour les protagonistes secondaires les plus importants de l’histoire.

Faut-il bannir les Mary-Sue de la littérature ?

La réponse est évidemment non. Si vous réalisez que votre personnage est une Mary-Sue après avoir rédigé 400 pages du troisième tome de votre saga fantastique, ne jetez pas l’ensemble aux ordures.

D’une part, une Mary-Sue aura un impact différent selon la place qu’elle occupe dans le récit. Si elle en est l’héroïne, et que les autres protagonistes n’existent que pour la mettre en valeur, elle risque de nuire à l’ouvrage. Il faut donc retravailler le personnage. En revanche, si elle a un rôle secondaire, elle aura nettement moins d’influence sur le succès (ou l’échec) du roman.

D’autre part, Mary-Sue peut parfois servir l’intrigue. Mary Poppins en est le parfait exemple : cette femme qui est « à peu de choses près, parfaite en tout point » (selon ses propres dires) existe pour faire évoluer les membres de la famille Banks. En particulier le père. D’abord froid et distant, George Banks change de priorités à son contact, et finit par accorder plus d’importance, d’attention et de temps à ses enfants qu’à son travail.

En conclusion

Vous savez maintenant qui est Mary-Sue : un protagoniste parfait, accompli, manquant de crédibilité et incapable d’évoluer, ce qui le rend médiocre et risque de rebuter le lecteur. Mary-Sue est donc un personnage de roman à éviter, sauf s’il sert une satire ou d’autres personnages.

Vous avez un doute sur l’un des protagonistes de votre récit ? Faites-lui passer le test Mary-Sue de Deviant Art ou le test Mary-Sue des jeunes écrivains. Retravaillez-le si nécessaire, préparez le plan de l’histoire, puis lancez-vous dans l’écriture de votre roman.

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